Publié dans HOMMAGE, Lachute, LUTTE

Édouard Carpentier

Édouard Carpentier était un homme d’une autre époque. Il a fait partie de la résistance française pendant la deuxième guerre mondiale. Il était de ceux qui ont combattu Hitler et son armée! Il a obtenu la croix de guerre et la croix du combattant! Par la suite, il fut sélectionné par l’équipe olympique française de gymnastique, pour les jeux olympiques de Londres en 1948.
Il est venu lutter au Québec en 1956 avec un contrat de trois mois, mais finalement, il sera resté le reste de sa vie au Québec. Il aimait le Québec et le Québec l’aimait tout autant! Il fut, pendant les années 50, 60 et 70, une méga-vedette.

Même les légendes meurent, même ceux qu’on croyait invincibles! Édouard Carpentier nous a quitté à l’âge vénérable de 84 ans. Il a perdu son dernier combat samedi, le 30 octobre 2010 dans l’après-midi, lui qui détestait la défaite!
Il était le roi de la planchette Japonaise, le prince de la savate, le monarque de la prise en quatre et le sultan du saut de la troisième corde.
Il pouvait vous endormir en 10 secondes avec la prise du sommeil, et faire une pirouette du haut du 3ième câble pour atterrir lourdement sur le ventre de son adversaire! Il fut l’inventeur de la lutte acrobatique! Il fut aussi un animateur hors du commun et intervieweur qui savait mettre la lumière sur ses invités, et tout ça avec classe!

Lettre à M. Carpentier dans le texte
Bonsoir M. Carpentier,
J’ai choisi de mettre une photo de vous à votre meilleur, lorsque vous étiez au sommet de la montagne! je vous ai parlé en personne une fois, c’était au début des années 80. Vous étiez venu chez nous, à Lachute, dans l’ancien aréna (la grange) avec les autres membres des étoiles de la lutte.

J’ai cru votre présence quand je vous ai aperçu le soir des combats! Je vous ai vu lutter, mais seulement à la toute fin de votre carrière de lutteur. Vous étiez au bout du rouleau, mais les vieux de mon coin m’ont souvent relaté vos exploits légendaires, à la limite du mythe. Je vous ai surtout connu comme le grand animateur que vous étiez!

Je suis allé vous voir avec toute ma gêne et ma fragilité. Vous étiez là devant moi, et moi j’étais là devant vous! Aucun mot ne sortait de ma bouche. Vous vous êtes approché et vous avez commencé la conversation comme si j’étais le centre d’attraction!
À la fin de notre conversation, je vous ai demandé de me dire votre fameuse phrase que vous disiez à toutes les fins de l’émission Les étoiles de la lutte! Vous, comme si c’était la première fois qu’on vous faisait cette demande, vous me l’avez dite comme si c’était la première fois de votre vie! Vous avez vu dans mes yeux de p’tit gars toute l’admiration que je vous portais!

Depuis ce samedi soir du 30 octobre 2010, on peut apercevoir
l’étoile du vieux Édouard briller dans le firmament!
Rendu en haut, il a retrouvé ses jambes, celles qui ont fait courir
les foules, et il a demandé tout de suite un combat contre celui qui est champion en haut ! Et je suis persuadé qu’il finira par avoir cette ceinture autour de la taille, car les vraies légendes gagnent partout et pour toujours.

À la semaine prochaine, si Dieu le veut!!!

*Photo Urbania.ca


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Publié dans Chronique, Histoire, Lachute, LUTTE, NOUVELLE LITTÉRAIRE

Fanfan Dédé ou Géant Ferré

C’était la Belle Époque comme on dit! C’était en 1978, j’avais 5 ans! J’habitais avec le yâble. Un jour je vais écrire un livre sur cet homme qu’est mon père! Un jour je trouverai la force d’écrire sur cet homme qui me fait encore pleurer de rage même si ça fait environ 20 ans que je l’ai pas vu. Il habite toujours dans le Bronx à Lachute. Il n’a jamais vu mes enfants et jamais il les verra!!! Laissez-moi vous raconter le seul et unique beau souvenir que j’ai de cet homme.


Nous sommes en juillet 78, la ville de Lachute est en effervescence. Lachute Number roule à plein régime, Thunder Craft est au début d’une belle histoire et l’usine à papier Price Wilson roule à un train d’enfer. Le Steinberg dans le centre d’achat fait des ventes record. On ne fait pas notre épicerie à Lachute mais on fait notre Steinberg!!! Le Rossy est à deux étages, rien de trop beau pour la classe ouvrière Lachutoise. L’été, nous avons un méga festival qui attire des foules démentielles au parc Richelieu qui s’appelle « La grande virée » et nous avons les meilleurs lutteurs du Canada qui croisent le fer à l’extérieur au parc Richelieu. Les meilleurs lutteurs du Canada venaient deux soirs de suite sold-out comme on dit, en plein cœur de la Foire agricole voler le show carrément.


En juillet 78, l’attraction principale était le Géant Ferré où si vous aimez mieux André the Giant. Il avait des comptes à régler avec le spécialiste des  »blade jobs » Abdullah the Butcher. Deux soirs en ligne contre le lutteur le plus salaud que la terre a jamais porté! Moi j’aimais le Géant Ferré d’amour et d’admiration. J’ai commencé à regarder la lutte à cause de lui et j’ai jamais arrêté. À 44 ans, j’aime autant ça qu’au début et maintenant mon fils est mon partenaire de lutte.
Donc ce soir là, je pars à pied avec mon père déjà saoul. Du bloc 36 au parc Richelieu on parle d’une marche d’au moins 8 km, c’est du stock pour un petit bonhomme de 5 ans et un gars chaud comme un rubber! 

À mi-chemin mon père alcoolique me demande:
Papa: « Tu veux tu voir Fanfan Dédé au County Fair ou le Géant Ferré au parc Richelieu? C’est toé qui décide morveux! Hein? Décide! »
Futur barbu de ville: « Le Géant Ferré. Ferré Pa’, Ferré! »
À ce moment précis, Fanfan Dédé est parti au plus profond de mes souvenirs sans jamais revenir.
Papa: OK! On arrête au Perrette, j’ai soif pis on continue!


Chemin faisant, le bonhomme décide de me prendre sur ses épaules avec une grosse quille dans les mains. Mauvaise décision. Nous avons planté les trois sur l’asphalte direct sur la Principale, la Main comme on dit, en face de l’ancien cinéma! Le bonhomme fendu dans le front, moi qui pleure ma vie et le plus important, la grosse quille éclatée en mille morceaux sur l’asphalte. Le premier réflexe de mon papa c’est pas de venir me voir, c’est de voir s’il reste de la broue dans la maudite quille cassée!!! Mon père était trop fâché pour que je lui dise que j’avais deux doigts enflés. J’ai fermé ma yeule et gardé ça pour moi! Enfin, nous sommes arrivés les trois au parc Richelieu de mon enfance, mon père saignant comme un cochon, moi deux doigts foulés et une belle quille neuve!


Je ne pouvais pas être assis plus près du ring. Mon bonhomme était parti se pogner une autre quille. Sa chaise était vide. Elle est restée vide jusqu’à la fin de la soirée. La soirée fut magique! J’ai vu Gilles  »The Fish » Poisson et sa prise de l’Ours, les Frères Leduc « un tabarnak de team » (clin d’œil ici au duo TDT, le meilleur tag team Québécois en 2017). J’ai vu aussi Tarzan « La Bottine » Tyler et ses cheveux« bleachés », l’ineffable Eddy « The Brain » Creatchman, un jeune Dino Bravo et un paquet d’autres…


Il est 22h10… Un homme saoul mort dort à coté de moi à terre. La grande finale est annoncée au micro! Je m’en souviens encore comme si c’était hier! Mon père lui s’en souvient pas de notre plus beau moment commun! La foule est fébrile, hystérique, un je ne sais quoi est dans l’air de Lachute! J’ai plein de frissons qui parcourent mon corps. Je vois Abdullah « The Butcher » qui marche vers le ring avec son gérant, l’inimitable Eddy Creatchman qui disait: « Vous avez tout’ peur de mon gros Noir du Soudan! » La foule lançait de la bière sur Eddy et Abdullah. C’était à l’époque un métier beaucoup plus dur qu’aujourd’hui. Les poubelles revolaient partout à un rythme soutenu puis l’annonceur maison présente l’attraction de la soirée! Mes yeux sont gros comme des trente sous, j’ai de la misère à respirer! On pouvait entendre une mouche voler! Je voulais dire papillon mais les papillons ne se rendent pas chez nous. Je réveille mon père pour le combat final.


L’écume sur le bord de la bouche, André s’assit sur sa chaise et attend le Géant comme moi. Il me regarde et me dit: « Merci mon gars! » et me passe la main dans les cheveux. En écrivant ces mots je pleure doucement, seul devant mon laptop. Au parc Richelieu il y a un mélange d’odeurs; de cigare, de cigarette, d’alcool, de barbe à papa, de réglisse rouge.
La foule se tait. La foule retient son souffle…


Annonceur: « Et dans le coin rrrrrrrrrrrrrrouge, mesurant 7 pieds et 4 pouces, pesant 425 lbs et venant directement de Paris, France…. le seul, l’unique, le légendaire, le mythique Géant Ferré!!!!!!!!!!!!!!!
Un faisceau de lumière nous aveugle, mon père me tient par les épaules. J’aperçois à travers la fumée une grosse tête frisée qui arrive du faisceau lumineux comme une révélation. C’est lui! Je vous le jure!
Il est gigantesque comme s’il était dans le monde de Tom Pouce! Il porte ses belles bottes bleu de lutteur. Il donne la main aux gens autour du ring. Je lui montre ma main et il frappe dedans. Il frappe dans ma main. Il a frappé dans ma main! Ma main à moi! Il semble dans une forme splendide encore capable de donner un bon show! Ce fut un  »bucket blood match » comme dans les années 70! Ça tombe bien, on était en 78! À grands coups de chaises, de crayons, de chaînes! Les gars avaient tout laissé dans le ring devant la foule de 5000 personnes. Il y avait du sang partout. J’en ai reçu aussi, celui de qui je ne pourrais pas dire, mais dans mon souvenir il goûtait salé!


La soirée de lutte est finie et les vieux parlent du combat revanche de demain. Ferré a perdu ce soir à cause de Creatchman! On attend encore plus de monde demain à ce qu’on dit. La rumeur va bon train, Ferré aura un lutteur avec lui dans le coin pour surveiller l’enfant d’chienne de Creatchman!
Mon père a une idée dans la tête… Aller prendre de la broue à l’hôtel Legault car Ferré a réservé une table pour ce soir! Moi, mon père et une autre quille on marche un 4 km pour aller à l’hôtel Legault. Je ne peux pas rentrer en avant mais je peux rester en arrière avec le « cook » pis le laveur de vaisselle. Mon père avait à l’époque un billet de saison à l’hôtel Legault!
Puis vers minuit et quart, la porte s’ouvre! Un faisceau lumineux m’aveugle à travers la fumée et j’aperçois une grosse tête frisée comme une révélation… je vous le jure!


Il est là mais n’a plus ses belles bottes bleu de lutteur et se penche vers moi:
Ferré: « Bonjour petit Patrick! »
Hein? Il connaît mon nom? Mon nom à moi! Moi! Il a une voix gargantuesque. Je me lève et court vers lui en pleurant. J’arrive en bas de ses genoux et m’accroche à lui comme la misère su’l pauvre monde!!! Il me prend avec ses deux grosses mains de géant et me lève à la hauteur de ses yeux.


Ferré: « Mon garçon veux-tu embarquer sur mes épaules? »
Petit Patrick, futur Barbu: « Mets-en! »
Il me prend d’un bras et me dépose sur ses épaules. Je suis maintenant un géant moi aussi. Il ouvre la porte vers la salle principale. Les gens parlent fort, la boucane se promène de table en table. La vie est belle, ça rit, ça chante et puis soudain, de sa voix gargantuesque, Ferré fait une annonce. J’ai encore dans ma tête sa voix, encore dans mon cœur sa voix!
Ferré: « OYEZ! OYEZ! GENS DE LACHUTE! J’AI ICI MON AMI PATRICK! BONNE MAIN D’APPLAUDISSEMENT POUR MON AMI! J’AI VOYAGÉ PARTOUT DANS LE MONDE ET PATRICK EST MON PLUS GRAND PARTISAN. AUBERGISTE! APPORTE UN GRAND VERRE DE LAIT À MON AMI! »


Et quand il a fini de parler, je fais un double biceps et fais un signe comme si j’étais le champion du monde!!! Les gens dans l’hôtel pouffent de rire en même temps! Un rire immense! Ferré me regarde et me demande pourquoi ils rient et je lui dis que j’ai fais un double biceps et un signe pour montrer ma ceinture de champion!!! À son tour il rit, un rire gargantuesque qui aurait pu faire trembler la planète au complet. Je lui donne un bisou sur le côté de l’oreille et j’entends les femmes dans place à l’unisson faire: « Ohhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh! »


Ferré: « As-tu peur sur mes épaules? »
Moi: « Non pantoute! À moins que The Butcher nous aurait foncé dessus, là j’aurais eu peur vrai!
Ferré éclate de rire. Il s’étouffe de rire!
Ferré: « Toi, tu es spécial mon petit garçon! »


Il m’assoit sur ses genoux de géant et j’ai bu le nombre de verres de lait que j’ai voulu! J’entends encore aujourd’hui son rire dans ma tête, dans mon cœur! Je suis resté assis jusqu’à 3 heures du matin sur ses genoux. J’ai pas bougé d’un pouce même pas un pouce fort!
Quand ce fut le temps de partir, j’ai demandé à Ferré pourquoi il n’avait pas de ceinture de champion du monde?


Ferré: « Garçon, quand tu es le plus fort au monde, quand tu es le meilleur au monde, tu n’as pas besoin de ceinture. Et toi non plus tu n’as pas besoin de ceinture tu sais. Je regarde ton papa et je sais que la vie est pas si facile. Tu as réussi deux fois ce soir à me voler le show et personne me vole le show garçon, personne! Tu as le charisme en toi, tu es spécial et moi dans mon gros cœur de géant, je sais que tu seras un grand homme un jour, un homme bon!

Message au Géant Ferré dans le texte:
Mon ami le Géant, je m’applique à être un homme bon à chaque jour. Je suis un grand homme car je suis un bon papa. Mon fils a vu ton combat contre Hulk Hogan sur YouTube! Il t’aime aussi!


Malgré la vie, malgré la mort, malgré l’évolution, malgré le temps qui passe, je suis encore ton plus grand partisan. Je me battrais maintenant à tes côtés contre Abdullah et je jure devant Dieu que je n’aurais pas peur! Je le prendrais pour toi le  »blade job ».
J’aimerais une dernière fois embarquer sur tes épaules pour te faire la bise sur le côté de ta grosse tête frisée.


P.s
Merci pour les six verres de lait et la glace pour mes deux doigts.


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Publié dans ANECDOTE, Lachute, LUTTE, souvenir

C’était l’été des possibles

À l’été 1984, j’étais le roi du BMX. J’étais en train de créer ma propre légende à coups de pédale, du moins, cest ce que je pensais dans ma tête! En plus, j’étais un genre de grand champion du lancer de la balle de tennis sur un mur de ciment! Jai mille fois remporté la série mondiale du ptit Canada. Comble du ptit gars occupé dans son été trop court, j’étais aussi patrouilleur officiel de mon quartier, avec mon sous-chef en chef, le petit Marco! Nous avions même des badges de shérif achetés au Rossy deux étages de la grande rue. Au coin de la rue, nous étions les boss des quatre coins! 
Moi, du haut de mes 11 ans, et mon frère, du haut de ses 8 ans, on avait la vie devant nous et, surtout, lespoir du meilleur à venir! 
 
J’étais le propriétaire dun splendide BMX de marque Cobra, offert par mon parrain! Oui, oui, le fameux Cobra, celui avec des roues rouges, le siège rouge, les poignées du guidon rouges, la styromousse en avant de la barre rouge et les poignées des brakes rouges. À ce jour, ce bicycle est le plus beau cadeau que jai reçu. Jai usé ce Cobra jusqu’à la moelle du métal, jusqu’à ce que la rouille soit sa couleur permanente! Mon frère, lui, la journée que jai reçu mon Cobra, a pleuré toutes les larmes de son corps de ptit gros de 8 ans. Il est allé se promener avec son bicycle au « tire«  balloune, avec un siège banane et des poignées Mustang! Nous étions pauvres, très pauvres, et de recevoir ce bicycle, c’était comme si j’étais lautre bord de la ligne à Disneyworld, et que mon ptit frère que jaime plus que la vie elle-même était du mauvais bord de la ligne, à me regarder faire les manèges. Même si on se battait souvent, même si on se tapait sur la yeule à tous les jours, jai fini par partager mon Walt Disney avec mon ptit frère, ma seule vraie famille. 
 
Mon frère reçoit son bicycle aussi! Voyant mon frère malheureux comme les pierres, malheureux comme jai rarement vu, ma mère avait cassé tous les cochons de la maison et même les cochons de lune de ses sœurs! Je revois encore ma mère arriver à pied à la maison avec le fameux bicycle. Je revois la face de mon frère et la mienne 
Mon frère a dans ses mains un RMX! Oui, oui, un RMX, pas un BMX, mais bien un simili-bicycle deux fois plus pesant que lui! Le sourire de ma mère valait un milliard, que dis-je, tous les milliards que peut posséder Bill Gates! Comme nous sommes des enfants venant dun milieu ultra pauvre, nous avons souri et donné plein de becs à maman, qui ne connaît rien aux BMX! Marco a apprivoisé la bête et, avec le temps, a aimé son RMX gris charbon! Par la suite, nous sommes allés à la recherche du plus gros  »jump » jamais réussi dans lhistoire des « jumps« . Ce fut notre quête du Saint Graal pour quelques années, jusqu’à la découverte de ces extraterrestres qu’étaient les filles! 
 
Le RMX était le reflet de la famille Beauséjour vivant sur la rue Filion. Il était le symbole de notre vie, de la contrefaçon. Trop pauvres pour avoir du linge de marque, on se promenait en jogging Converted pendant que les autres ptits morveux du coin se promenaient en Converse! Nous avions des t-shirts Vuarnet avec le logo imprimé tout croche, car achetés à lencan de Lachute, pendant que les ptits banlieusards se promenaient avec des Vuarnet avec un petit « r«  à coté du logo! À cette époque, jaurais vendu ma mère pour avoir un vrai Vuarnet. 
 
C’était leuphorie dans les rues de Lachute. C’était soir de tombola dans le comté dArgenteuil avec, comme point culminant, la soirée de lutte dans le vieil aréna! Oui, oui, les vraies étoiles de la lutte étaient chez nous, celles de la lutte internationale. Nous attendions avec impatience les Dino Bravo, Gino Brito, Édouard Carpentier, Steve Strong, Superstars, King Tonga, Gilles « The Fish » Poisson, Tarzan « La Bottine » Tyler, Les Rougeau, Les Garvin, le gros Mad Dog Lefebvre qui est mort 6 mois plus tard dans un accident dauto à Chicoutimi à l’âge de 30 ans et linimitable Abdullah « The Butcher« . « The Butcher » était mon idole. Pendant que tout le monde le détestait, moi je ladorais, car j’étais tanné de le voir perdre contre le presque parfait Rick Martel. Même à cet âge, je naimais pas les athlètes parfaits, jaimais ceux qui tombaient pour mieux se relever. 
 
 
Nous sommes en file pour entrer dans laréna et déjà je tremble dans mes culottes courtes de ptit gars de 11 ans. Ce soir-là, javais deux objectifs soit rencontrer M. Carpentier et Abdullah « The Butcher« . Javais un sourire daccroché dans la face qui ne voulait pas décrocher! Ce soir-là, jai probablement été la personne la plus heureuse à lest de lAtlantique![Saut de retour à la ligne]Ce soir-là, je suis avec mon oncle Paul-André. Cest grâce à lui si nous sommes ici. Il y a mon cousin Pierre-Paul, mon frère et toute la ville de Lachute. La vieille grange est remplie jusquau bouchon! Les vieux se sont gardé les places debout, et nous, nous sommes sur le bord de la baie vitrée! Lambiance est carnavalesque, il ne manque que la femme à barbe et lhomme tronc pour compléter ce joyeux cirque. Je suis assis comme un enfant sage sur le banc et je porte fièrement mon Vuarnet au logo croche! Jai la bouche gommée de barbe à papa et mon frère aussi, car on se bat contre la même barbe à papa. Nous avons les doigts gommés et nous sommes heureux. Deux ptits crottés contents de vivre. Des fois, pas souvent, il y a des journées quon voudrait éternellesMoi et mon ptit frère tout gommés, ça fait partie de mon éternité! 
 
Noirceur, silence, boucane et entrée des « Head Hunters » avec leur gérant, contre qui, je me souviens pus! Je me souviens juste de leurs torches de feu dans le noir. Magie dans les yeux dun ptit cul de Lachute! La soirée défile à un train denfer. Je réussis à parler à M. Édouard Carpentier. Un en deux pour le roi du BMX, il ne reste qu’à rencontrer Abdullah. 
 
Quart de final de la soirée, Abdullah contre le pauvre « Kojak » Shelley! Le combat dure le temps de trois gorgées de notre slush Puppies. The Butcher a matraqué Kojak à coups de chaise pendant que larbitre avait le dos tourné. J’étais le seul dans laréna à applaudir Abdullah, qui ma envoyé un signe du pouce, voyant que j’étais le seul debout pour lencourager à estropier son adversaire! Mon lutteur, mon mien, a gagné! Je suis presque comblé de bonheur!
 
Entre la finale et la demi-finale, je vois le gros Abdullah assis dans un coin de laréna, et personne ne va le voir bien sûr! Mon frère reste assis avec mon oncle et mon cousin, et moi je cours littéralement vers « The Butcher« ! Je cours comme Forrest Gump, je cours comme Ben Johnson, comme Usain Bolt, mais je ne suis pas un olympien et je plante la face la première! La gueule en sang sur le béton. Ça pisse le sang comme quand on égorge un cochon! Je messuies avec ma manche de Vuarnetbof, que je me dis, cest juste un maudit faux Vuarnet, et je reprends ma course vers mon idole! 
 
Le roi du BMX vs Abdullah « The Butcher« 
Nous sommes face à face. Je me sens tout seul dans mes culottes. Je me demande ce que je fais là! Je le trouve encore plus laid à 6 pouces de ma face. Je lui donne mon stylo et ma feuille. Aucun son ne sort de ma bouche, moi qui suis un verbomoteur! Je tremble et tremble encore! Et quand jai eu fini de trembler, jai recommencé. Il ne parle pas plus que moi.
 
Il met ma feuille dans sa bouche et la mâche comme de la gomme balloune! Il la mâche sans aucune réaction dans sa grosse face de méchant. Il avale la feuille et a un ptit sourire en coin. À ce moment précis, javais le goût de faire un dégât dans mes culottes. Il met le stylo dans sa bouche et le mâche aussi. Il crache le stylo et sa langue est bleue. Il se lève et quitte. Jai le goût de pleurer. À quoi je devais mattendre, cest quand même le plus méchant des méchants. 
Je reviens massoir en pleurant. 
 
 Moi: Jai pas de signature! 
 
Et je chigne 
 
 Mon Oncle: Pourquoi tu pleures Pat? Tu las eu ta signature! Tu vas ten souvenir toute ta vie! Butcher est pas fou, il sest permis de faire ça avec toi, car il a ben vu que tu étais vraiment un de ses fans! Il a joué son rôle juste pour toi à la perfection! 
 
Le soir même, mon oncle a pris une bière avec Abdullah à la brasserie, et mon oncle lui a parlé de moi. Abdullah lui a demandé sil en avait trop mis et espérait que son fan numéro un à Lachute ne soit pas trop déçu! Mon oncle de lui dire que javais été ben impressionné, et que dans les estrades, le monde riait de me voir faire les gros yeux! Trente-trois ans plus tard, je me souviens encore de cette rencontre, ettrente-trois ans plus tard, je suis toujours le plus grand fan dAbdullah « The Butcher« . Merci encore pour lautographe! 

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