Publié dans ANECDOTE, Chronique, HOMMAGE, Lachute

De la Vallée-de-l’or à l’hôtel Laurin

La Grande Noire est née dans la Vallée-de-l’Or! Plus précisément downtown Val-d’Or. Elle est née dans le doute et la peur, d’un père sauvage et d’une mère blanche comme un drap!

Le bon Dieu dans sa grande bonté lui a donné une paire de boules à faire rougir Marylin Monroe et un cul à faire rager l’activiste et ancienne pin-up Brigitte Bardot!

Même que dans ses belles années la Grande Noire aurait pu remplacer au pied levé Monica Bellucci dans son rôle de Cléopâtre tellement qu’elle était splendide! Elle aurait pu faire bander un aveugle et toute les grandes folles du village auraient changé d’orientation à sa vue! Avoir été à son top en 2018, elle aurait été une influence sur Instagram avec des millions de voyeurs.

J’ai ouï dire qu’y’a ben des vieux bonhommes aux mains longues dans la Vallée-de-l’Or qui se sont payé la traite dans le plat à bonbons. C’est plate à dire de même mais la Grande Noire était devenue le bécycle du village. Tout le monde avait donné un petit coup de pédale sur elle dans la paroisse! On dit même que des gars de Loin-Noranda venaient essayer le manège!

Sculpter un si beau corps à même les mains de Dieu, c’est pas un cadeau à faire à une fille née en Abitibi dins années 50! C’est plutôt un cadeau empoisonné! Elle a appris à la dure la vie à un très bas âge comme dans « avoir les mains d’un vieux bonhomme dans ses petites culottes à 6 ans ». Elle qui était belle comme la vie, belle comme la petite Shirley Temple!

Souillée de sperme, de sang, d’odeur de cigarette, de bagosse et quoi encore! La vie qui court plus vite que vous et qui finit par vous dépasser!

Elle a pris son petit bagage avec elle et a quitté la Vallée-de-l’Or en 1973 à l’âge de 20 ans sans jamais y revenir. Un sac avec dedans une brosse à dent, des petites culottes, deux, trois t-shirts, une paire de jeans, une jupe et un pouce pour descendre dans la métropole! Elle avait beau être une pute, elle se torchait pas avec des p’lures d’oignon!

Demain matin Montréal m’attend

Comme dans la pièce du grand Michel Tremblay, la Grande Noire a mis les deux pieds su’a rue Ste-Catherine, un lundi matin froid de janvier. Ce matin-là, elle s’est trouvé une chambre à deux rues de la St-Cath! Et comme elle pense avec son cul comme un mécanisme enfoui profondément dans les neurones de son cerveau, la Grande Noire a dealé son loyer. Elle va s’écartiller une fois par mois pour payer sa quittance. Je sais, je sais, ça vous semble vulgaire mais pour elle c’était un avancement par rapport à sa vie à Val-d’Or. Au lieu de se faire fourrer violemment par un Indien saoul, elle avait choisi la douceur d’un vieux bonhomme qui lui faisait en plus le déjeuner.

Puis quelques mois plus tard, elle est tombée en amour avec un motard dans l’Est de Montréal. L’amour de sa vie. Le parfait bonheur pour les six prochains mois. Ils ont même déménagé dans une magnifique petite ville du comté d’Argenteuil à Lachute. Olive alias la Grande Noire avait trouvé son Popeye. Il en était un d’ailleurs. Son club avait passé aux mains des Hells et lui aussi en théorie. Rien n’est simple au pays de la princesse facile.

Pis un jour, le beau motard barbu tatoué jusqu’au cou est disparu sans lettre, sans petit mot. Elle a jamais revu l’amour de sa vie du jour au lendemain. Elle a pleuré pour les six mois suivants et un jour elle a compris que le beau motard ne reviendrait jamais.

Lachute Pool Room
Direct su’a rue Argenteuil, la Grande Noire a faite les belles années du Pool Room. Pour les plus jeunes, pour ceux-là qui se rasent encore à la débarbouillette, ne cherchez pas la bâtisse du Pool Room, elle n’existe plus. Le Pool Room était entre le tapis décor Mirabel et la jonction de la rue Grâce. La ville de Lachute voulait tellement démolir ce nique à feu, avec raison.

À l’époque, la Grande Noire était la reine de la place. Elle avait aussi le contrôle de la poud’ d’ins toilettes. Non elle n’était pas le genre à aller à la messe du dimanche à l’église Sainte-Anastasie. Quand tu as vécu ce que la Grande Noire a vécu tu fais avec. Tu organises les autres avant de te faire organiser. Donc ce fut les belles années pour la fille de Val-d’Or.

L’hôtel Lorrain
Sur la rue Hamford à l’époque il y avait en face la caisse Desjardins. Elle est à côté maintenant de la pataterie Chez Renée. En fait ce n’est plus un hôtel mais un centre de la toxicomanie qui s’appelle le Pavillon Hamford.

1991
Au Lorrain qu’on appelait aussi le coupe-gorge, il y avait des crosseurs de poules mortes, des chercheurs de trouble en tous genres, des alcooliques au dernier degré, des vieux abandonnés par la vie et eux-mêmes, des p’tits dealer de « dope », des mangeux de chips, des grandes gueules qui ont jamais rien faite sauf parler fort, de la grosse bière pis où on pouvait faire, dans un local, de la peinture sur céramique avec le bonhomme Péra! Oui, oui, peinturer des saintes vierges, des p’tits Jésus, des chevaux, des lapins, des croix, le pape, etc. Il avait mille et un modèles le bonhomme Péra. Et au-dessus du bar, il y avait des chambres à louer au mois pour souvent des petits vieux à moitié morts mais toujours capables de tenir une grosse quille. Un beau zoo de pauvre monde.

Adjacent au bar principal dans la même bâtisse, il y avait une magnifique table de snooker d’une autre époque avec au-dessus un lustre aux couleurs de Molson. Moi et mon chum l’ineffable Mike Fournier allions souvent boire une p’tite frette et jouer au pool. Mike du bloc 36 dans le Bronx qui habite maintenant, aux dernières nouvelles, dans le petit Canada à ce qu’on m’a dit. Le seul gars que je connais qui s’est défait les épaules à tapocher dans un punching-bag. Mike en jogging à semaine longue avec ses gros biceps. C’est le gars le plus drôle que je connais, il a des histoires à pisser à terre.

Donc, moi pis Mike manquions parfois, même souvent, des cours au Centre pour adultes Le Parallèle pour aller jouer au pool. J’avais à peine 18 ans et lui 25 ans.
Donc, nous deux, les clowns de service étions beaux à voir dans nos culottes de jogging, grosse quille dins mains à jouer aux professionnels de snooker. Quand tout à coup arrive la Grande Noire, fatiguée par la vie, déjà usée à la corde qui nous offre de nous sucer pour une grosse bière.

Je lui offre de lui payer une bière mais, en échange, j’aimerais qu’elle me raconte sa vie. Je lui explique que j’écris et que j’aimerais faire un documentaire sur elle pour l’envoyer à un concours (la Course destination monde à Radio-Canada). Je lui explique qu’avec son histoire et sa face à l’écran je suis certain de pouvoir participer au concours.

Elle prend une grosse Laurentide et moi aussi. Mike est en tabarnak car j’ai abandonné notre game. Tout le monde dans le bar pense que je m’en vais fourrer la Grande Noire dans sa chambre en haut, mais moi je m’en fous.

Elle, assis dans son lit et moi sur une chaise à côté de son lavabo rouillé. On boit une gorgée de Laurentide en même temps. Elle prend un grand souffle et me raconte son histoire d’une traite. Je regrette amèrement de ne pas avoir gardé cette cassette VHS. J’avais là l’histoire d’une vie racontée simplement, à vif, dans les mots de la rue. J’ai pas envoyé mon projet au concours, j’avais la chienne! Et comment un semi-agoraphobe pouvait faire le tour du monde? À l’époque c’était impensable. J’étais tellement mal dans ma propre peau.

On m’a dit que la Grande Noire est morte d’un cancer généralisé. On peut dire ce qu’on veut d’elle, elle aura survécu toute sa chienne de vie avec son cul. C’est de la survie pure et simple. Elle est finalement partie rejoindre son beau motard tatoué jusqu’au cou.

Je dédie ce texte à la mémoire de la plus belle princesse du monde à l’envers.


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Publié dans ANECDOTE, BASEBALL, souvenir, Voyage

Cooperstown, NY

Ce que j’ai préféré de mon voyage de balle, c’est le chemin pour se rendre dans le magnifique village de Cooperstown!

Quelle bonne idée de mon partenaire de route (Justin) de nous avoir fait passer par les p’tites routes de campagne, au lieu de prendre le « highway »!

Les villages délabrés par le temps, les maisons laissées à l’abandon, un squelette prenant une bière sur une table à pique-nique (d’où l’expression « prendre son temps ») des églises pleines faites en bois, des montagnes à perte de vue, des Hillbillies à perte de vue, des pancartes figées dans le temps. L’Amérique profonde à coups de pick-up Ford et de “tumb” remplis de feu à chaque coin de rue.

Une vraie fin de semaine signée baseball. En montant, le vendredi dans le soir, sur la route 87, nous écoutions le baseball du Boston à travers la radio officielle des Red Sox. Une route parfaitement illuminée dans le noir, avec les commentateurs américains comme « background » à travers les Adirondacks. Avec Dustin Pedroia au deuxième but, la troisième guerre mondiale pourrait éclater maintenant, que moi et « Tall Boy » Corbeil on s’en contrecrisserait sur un ostie d’temps. Retrait 5-3.

Une fois rendus à Latham nous attendait notre motel Super 8! Une autre game de balle à la télé des Yankees qui affrontaient les Rangers du Texas. Au son des bâtons et des Coors Light, nos paupières tombaient au même rythme. Nous avons ronflé doucement jusqu’au lendemain matin. Deux gars et du baseball en toute simplicité, voilà la genèse de notre voyage!

Je dois dire ici que « Tall Boy » Corbeil s’est endormi avant moi. Si jamais vous le rencontrez et qu’il vous dit le contraire, sachez que c’est de la mauvaise foi de sa part, pareil comme les partisans des Bombardiers du Bronx.

Cooperstown

Que dire de la section entièrement réservée au sport du cricket! Pour moi, simple banlieusard vivant en Amérique du Nord, un cricket c’est un insecte! Et pour moi les insectes n’ont qu’une seule fonction, être écrasés. Je conçois que ce sport est un culte au Sri-Lanka et au Pakistan et qu’il a des similitudes avec le baseball, mais de là à en faire une section importante du baseball Hall of Fame, c’est une autre idée à saveur de fausse balle!!

Par contre, la boutique du musée était tout à fait incroyable! Un genre de paradis pour adulte qui veut rester petit. Les tasses, les verres, les lunettes, les drapeaux, les tapis, les à peu près n’importe quoi que vous voulez à l’effigie de votre équipe préférée! Que dire des affiches à faire encadrer? Le magnifique cadre du numéro 4 Lou Gehrig au stade des Yankees annonçant sa retraite, celui de Babe Ruth prédisant le circuit à venir, celui de Willie Mays de dos qui attrape une balle en plein vol en série mondiale… tout simplement à vous couper le souffle. Moi en tous cas, pendant un instant, j’ai arrêté de respirer!

La section des nominés était fantastique! Aller voir tous ces anciens joueurs et leur plaque, c’était assez impressionnant pour l’amateur de balle que je suis! En entrant dans ce lieu mythique, on se sentait comme dans un salon funéraire tellement que le moment était solennel. J’avais le goût de pleurer, mais j’ai retenu mes larmes d’ancien partisan des Expos quand je suis arrivé devant la plaque de Gary Carter. Je me disais que j’aurais l’air un peu crinqué, alors j’ai opté pour la poussière dans les yeux! De voir de mes yeux les plaques de Babe Ruth, Ted Williams, Josh Gibson et tous les autres, c’était comme un rêve qui devenait réalité! Je n’ai pas touché aux plaques, par respect.

Mais notre meilleur moment de la fin de semaine au pays de Doubleday, je n’aurais pu l’inventer! Nous, fans finis des Expos avions l’idée de rentrer avec la casquette de nos amours sur la tête! On voulait rentrer par la grande porte fiers partisans des Expos!

C’est ce qu’on a fait! J’ai enlevé de sur ma tête la casquette des Dodgers de Brooklyn que je venais d’acheter en l’honneur de Jackie Robinson pour mettre solennellement celle portée par Gary Carter avec honneur! Mon chum Justin a fait la même chose. J’ai, en arrière de ma casquette des Expos, inscrit le #8 au crayon feutre pour que je puisse entrer avec mon idole à Cooperstown.

J’ai mis la main sur la poignée de la grande porte et une fois cette grande porte ouverte, en face de nous, dans notre chemin deux partisans des Nationals de Washington, la ville vers laquelle nos Expos sont partis. Hollywood n’aurait pu inventer ce moment, only Baseball.

J’ai regardé les deux gars drette d’in yeux au fond de l’âme! Je me sentais comme une balle qui part de la main de Steve Rogers. Je suis précis et furieux. C’était quoi les chances pour moi et Justin d’entrer à Cooperstown et faire un face à face avec d’ignobles partisans de la ville qui est partie avec notre club.

L’un des gars baisse les yeux, je ne souris pas. Et comme un désir profond, je ne peux m’empêcher de leur dire: « Les expos seront de retour! My team will be back! »

Comme si ce pauvre partisan était responsable du départ de nos amours. Ils ont baissé les yeux en forme de respect, j’imagine.

Nous sommes revenus de Cooperstown sous la neige au beau milieu du mois d’avril. Comme quoi même la neige n’arrête pas de vrais partisans des Expos.


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