Publié dans ANECDOTE, BASEBALL, souvenir

Des Orioles, Shoeless et Carl

Été 2017

Nous sommes au parc de balle Sophie-Masson à Ste-Sophie et on affronte les Blue jays.

Le parc est d’une beauté sans nom, les lumières juchées dans les poteaux éclairent le diamond comme les planches d’un théâtre! Le gazon est d’un vert parfait! Le monticule et la plaque attendent avec impatience leur lanceur! Et ce soir-là nous, Les Orioles de St-Jérôme, avons vécu une grande tragédie grecque! Le ciel est magnifique, la lune a le meilleur siège pour la partie. Les étoiles sont parfaitement alignées et si on observe comme il faut, si on regarde avec ses yeux d’amoureux du baseball, on peut voir de la poussière de « Shoeless » Joe Jackson dans les faisceaux de lumière qui éclairent le terrain! Lui à qui on a enlevé le droit de jouer au baseball après le scandale des White Sox de Chicago en 1919! Aujourd’hui, il fait partie de ceux qui regardent les jeunes jouer du haut de son champ de rêve! Et ce soir comme moi, il est ému devant un si beau paysage!

Le petit gars du terrain a parfaitement étalé sa chaux pour en faire des lignes d’une symétrie parfaite! Je regarde les lignes et je me dis que finalement tous les chemins devraient mener à Ste-Sophie! Certains avait des petites mousses avec eux, d’autres des petites coupes de vin. C’est les joies du baseball! Il ne manquait qu’un vendeur de moutarde chou!

Chaque année amène son lot de petits singes à batterie et en 2017, j’avais, sur 11 joueurs, trois TDAH, quatre recrues qui commençaient chez les Moustiques et qui n’avaient jamais joué au baseball et un jeune avec de l’autisme, mélangé avec un TDAH et un fond d’agressivité mal géré. Pour les besoins du texte, il va s’appeler Carl! En termes de pizza, j’étais all dressed! Moi le bénévole/coach et papa de l’une des joueuses dans l’équipe, j’étais pas amanché pour autant d’adversité! En fait avec cette équipe que j’ai aimé, il aurait fallu un ou une pédagogue! Alors gagner des games était pas mal ma dernière priorité!

Pour dire la vérité Carl occupait toute mon temps! Il était difficile à aimer, à diriger, il m’aura amené dans mes derniers retranchements de coach! J’ai milles fois remis mon coaching en doute, ma façon de l’approcher, j’en rêvais la nuit! Je cherchais le bouton sur lequel peser pour allumer la passion du baseball en lui! Et ce soir-là, à notre dernier match de la saison régulière, je voulais le voir frapper son premier coup sûr de l’année, je voulais le voir partir chez eux avec l’idée qu’il pouvait pratiquer ce merveilleux sport même si je savais déjà qu’il ne serait pas de retour l’an prochain.

Je regardais mes Orioles pratiquer sous les lumières du soir avec mes coachs Mathieu, Olivier et Benoit. C’est comme si nous étions dans un parc des ligues majeures! Il y avait une petite brise de juillet qui venait finir son chemin derrière ma nuque et le bonheur avait la forme d’une petite balle blanche avec deux lignes de corde dessus.

Il est 21h15… c’est 7 à 6 pour les Jay’s de Hugo et c’est notre dernier tour au bâton! La game est serrée! Mon as lanceur, mon Rollie Fingers version mini, Anthony Labonté du haut de ses 4’4" et 60 lbs a lancé deux manches parfaites! Pour une première année de balle à vie c’était très impressionnant! Le moral des troupes est bon mais fragile! Le bas de l’alignement se présente au bâton. Je suis dans mon coeur de coach pas très confiant pour la suite des choses mais je joue le contraire devant mes petits monstres à batterie! Je leur conte de belles menteries avant le début de notre dernière manche…

Finalement nous avons deux retraits, une joueuse au 3e but et un joueur au 2e but! Et maintenant se présente au marbre notre Carl national avec sa moyenne de .000. Comme d’habitude, il chasse des mouches avec son bâton pour les deux premiers lancers. C’est rapidement deux prises… deux prises, deux joueurs sur les buts, deux retraits, comme on dit les deux sont frimés! Et même pendant un lancer, il regarde ailleurs que le lanceur, c’est carrément dangereux!

Je demande un timeout et je m’approche de Carl pour lui conter la plus belle menterie jamais racontée dans l’histoire du baseball! C’est Doubleday qui aurait été fièr de moi! Je prend Carl par la figure intensément avec mes deux mains, je le regarde dans les yeux, il me regarde dans les yeux, j’ai son attention.

Moi le simili-coach de gomme balloune: Carl t’as un coup sûr dans ce bâton. Je le vois avec mes yeux de coach. je te le jure.

Carl: Ah ouin?

Moi le simili-coach de pacotille: Carl tu dois laisser ton bâton sur ton épaule et attendre le T-Ball! Pendant l’exercice tantôt tu frappais toutes les balles. Pis le lanceur des Jay’s ne lance aucune balle dans la zone des prises. Laisse ton bâton sur ton épaule svp pis sur le T-Ball tu va l’avoir ton coup sûr! Promis!

Carl: Oui Coach!

Je vois dans ses yeux une étincelle et au marbre je le vois se répéter comme un mantra « Garde ton bâton sur ton épaule! » Nous sommes en business.
Le lanceur des Jay’s lance 4 belles balles partout sauf dans la zone des prises. Mon assistant coach Olivier va porter le T-Ball à notre Carl! Au 3e but mon coach Mathieu est prêt à faire rentrer nos coureurs!

Je regarde Carl avec toute l’émotion que je possède dans mon corps, je crois même mes menteries. Maintenant, je crois à ce coup sûr autant qu’à la paix dans le monde, autant qu’une vie paisible entre la Palestine et Israël! Carl a dans ses mains un coup sûr, il n’a qu’une chance de frapper sur le T-Ball! Carl me regarde et me fais un signe du pouce… Tabarnak il croit au coup sûr! Il est focus.

Et dans un moment de pur bonheur, dans un moment magique comme même Steven Spielberg n’aurait pu inventer, la petite balle blanche aux cordes rouges a été touché par le bâton magique de Carl! La petite balle ne voulait pas être attrapé par aucun Blue Jays de Ste-Sophie. Elle a fait son chemin entre le 1er et le 2e but lentement pour se diriger assez loin pour faire rentrer nos deux coureurs et pour permettre à Carl de se rendre au 2e but en sautant comme une sauterelle olympique! Je pleure comme un bébé sur le banc, je pleure à chaudes larmes comme l’aurait fait mon ami Coach Benoit Pépin! Je pleure de fatigue, je pleure mon été difficile, je pleure de joie pour Carl! Tous nos joueurs sautent sur Carl comme s’il était Gary Carter en 1986 avec les Mets de New York en série mondiale! Le moment est euphorique, unique!

Après la game je remets toujours une balle du match au joueur s’étant le plus démarqué durant la game pour soit son jeu, son leadership ou son acharnement! J’ai toujours trois couleurs de balle…
Cette fois-là mes petits monstres à batterie ont frappé un grand chelem dans mon coeur de coach… câlice oui!

J’avais de la poussière de « Shoeless » Joe Jackson dans les yeux.. nous étions en rond comme une meute, mes petits loups se sont levés sans ma demande et ont scandé le nom de Carl, ils criaient son nom! Il criaient:

Balle de match à Carl! Balle de match à Carl!

D’habitude je fais un petit discours. Cette fois, moi, Mathieu, Benoit et Olivier étions sans mot… La magie du baseball était parmi nous. J’ai souvenir du dernier coup sûr de Carter à Montréal, j’ai souvenir de Wilfredo Cordero, j’ai souvenir de Kirk Gibson avec Detroit…le plus beau coup sûr que j’ai jamais vu y’était finalement dans ton bâton mon Carl.

Je dédie ce texte à tous les petits monstres que j’ai coaché!


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