Publié dans Foodies

Johnny patate

Pas besoin de machine à voyager dans le temps, vous n’avez qu’à entrer dans l’une des institutions de St-Jérôme, le légendaire Johnny Patate.
Et si vous demandez aux vrais de vrais Jérômiens, ils vous diront qu’ils vont Chez Johnny.
 
 
Ce qui frappe en arrivant Chez Johnny c’est le manque de parking. Ensuite c’est la bâtisse en elle-même qui est d’ordre du patrimoine. Un « drive-in » comme on en trouvait partout aux États-Unis dans les années 50!
 
 
On entre chez Johnny comme on entre chez soi. On entre chez Johnny comme dans une église en communion avec le bonheur. On entre chez Johnny comme on entre dans la maison de nos grands-parents.
 
 
Ce que j’aime par dessus tout c’est m’asseoir sur les petits stools rouges en face du comptoir, regarder l’envers du décor et les serveuses/serveurs opérer leur magie. Le plus sérieusement du monde, la serveuse vient me voir et me demande ma commande sans rien pour prendre des notes, rien. Je lui donne ma commande, celle de ma blonde, de mon fils et de ma fille. Elle crie en arrière d’elle, je comprends rien mais les autres en arrière semblent avoir compris.
 
 
Ça rentre et ça sort de Chez Johnny à une vitesse folle pour des  »take out ». Je suis observateur de ce chaos contrôlé. Il y a ceux qui mangent en arrière dans la salle à manger et les vrais comme moi sur leur stool rouge. J’attends mon demi club sandwich/poutine et mon petit coke en bouteille de vitre avec la patience d’un maître Bouddha, car en face du comptoir, j’ai un spectacle du Cirque du Soleil ou presque. En arrière du comptoir, ça marche vite et tout le temps, ça parle fort à deux trois personnes à la fois, ça donne des commandes, ça beurre des toasts, ça flippe des burgers et tout ça dans la même minute avec un sourire monsieur!
 
 
Ma serveuse arrive avec nos commandes…festin des dieux! C’est la décadence, je me sens comme un romain invité à un festin. Le bonheur me sort par les pores de la peau. Je suis persuadé qu’avant d’aller faire son chiffre de nuitte, le bon dieu va se chercher un take out chez Johnny!
 
 
Chez les Beauséjour ça parle fort et tout le temps mais là, pus un son, rien. Nous sommes les quatres en symbiose avec Johnny, le bonheur et nos estomacs. Bizarrement c’est comme si le temps avait arrêté. Même l’évolution ne peut nous déranger Chez Johnny! La bombe nucléaire? Bof, après mon moutarde-chou…
 
 
Je suis persuadé que chez Coke, ils gardent les meilleures batchs de liqueurs pour les petites bouteilles en vitre de chez Johnny!
Pendant qu’on se remplit comme des cochons sauvages, les serveuses continuent de marcher vite, de parler fort, de beurrer des toasts, de flipper des burgers encore et toujours avec le sourire.
Il y a les deux gars aux patates, dans leur coin, eux épluchent des patates, font des frites qui goûtent un mot qui n’est pas encore inventé pour parler de leurs frites, des poutines avec la fameuse sauce à Johnny et ils parlent fort avec les serveuses des mots que je comprends pas. Mais chaque personne en arrière du comptoir semble comprendre leur langage c’est comme un code ou un dialecte.
 
 
Y a rien de mystérieux dans un club sandwich! À la base c’est quand même bin juste deux tranches de pain avec du poulet, des tomates, du bacon, de la mayo, pis de la laitue. Mais Chez Johnny on réussit à me faire à chaque fois le meilleur club de l’histoire des clubs. Après, j’arrête de réfléchir et je me dis que c’est pour ça que c’est une institution.
Depuis 1945 que Johnny fait du  »comfort food » comme on dit, l’expérience ne s’achète pas. Il mérite depuis longtemps toutes les lettres de son nom et en majuscules à part de ça.
 
 
Je ne marcherai pas en me levant de mon stool, je vais rouler jusqu’à mon auto. Ce n’est pas gênant tout le monde roule en sortant d’ici! Ça fait partie de la tradition!
Il y a dans le monde deux genres de personnes, ceux qui adorent les hamburgers steak et les autres.
Si vous êtes de ceux qui adorez l’hamburger steak, vous vous devez avant de mourir d’aller en manger un chez Johnny. Sinon ne jamais vous proclamer pseudo-expert du hamburger steak, jamais.
 
 
Arrive la fin du repas, notre serveuse me dicte le détail de notre commande de mémoire. Il ne manque rien. 45 minutes après notre arrivée, elle nous donne le détail de notre commande comme si de rien n’était comme ces serveuses des années 50!
 
 
À chaque fois que j’emmène mes enfants manger Chez Johnny Patate, j’ai l’impression de leur fabriquer des souvenirs d’enfance qui resteront gravés à jamais dans leur mémoire. Johnny Patate, fabriqueur de souvenirs…
 
 
Le repas est terminé et nous roulons jusqu’à l’auto en famille.

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Publié dans Chronique, Histoire, NOUVELLE LITTÉRAIRE

Le fonds de pension

C’est la nuit et personne ne dort du sommeil du juste dans la petite maison jaune du coin de la rue. Même les corneilles ont fait de la petite maison aux couleurs soleil leur sanctuaire. Une si jolie petite maison de l’extérieur avec un gazon si parfait, d’un vert haute définition, et dire que toutes les wézo noir du Comté se retrouvent perchés sur la corniche comme pour être évocateur d’un grand malheur.
Jean-Marie
Il dort dans ses pantoufles devant le meuble de télé!  C’est la fin des émissions au canal 2, car après l’hymne national canadien, l’éternel grand chef indien aura les bras croisés jusqu’au lendemain matin.  Les hommes moins bons comme Jean-Marie sont condamnés aux cauchemars, même s’ils ont accroché des « Dreamcatcher » sur les murs du sous-sol!  Même que s’il dormirait avec un « Dreamcatcher » au-dessus de sa tête, il continuerait de mourir à froid en face de la vie.  Il rêve en boucle qu’il se tranche la gorge avec un couteau rouillé.
Et quand il se réveille le lendemain matin, sur la table à café, un couteau pareil comme dans son rêve traîne comme par hasard à coté d’une assiette remplie de miettes. C’est comme si la vie lui envoyait des signes, un genre d’harakiri, mais l’honneur en moins!
Louise
La femme de Jean-Marie fait de l’insomnie au deuxième étage.  Pour dormir, elle doit littéralement s’assommer avec des Valium. C’est l’équivalent de recevoir un coup de masse en plein front. C’est un genre de ligne directe avec Morphée!
Elle pense qu’elle est une bonne personne, elle aime surtout se faire accroire qu’elle est bonne comme du bon pain.  Elle se ment à elle-même, tant et tellement qu’elle n’est même pas capable de se regarder dans un miroir. Elle finit tout le temps par baisser les yeux comme avec son mari, comme quand elle marche dans la rue en plein jour.
Elle pratique deux métiers. Le premier est noble, celui de femme au foyer. Son autre métier, celui qu’elle maîtrise à la perfection, être complice de son mari.
Par son silence, elle est comme Jean-Marie, même si elle n’a jamais participé.  Elle maîtrise l’art du non-dit comme un grand sensei. Elle pourrait donner des leçons de silence à ces moines qui vivent dans les montagnes du Tibet! Elle pourrait même torcher le mythique Bouddha à  » je te tiens par la barbichette… ».
Jipi
Il est l’un des deux fils du couple.  L’aîné qui ne se casse pas le bicycle, comme on dit! C’est pas qu’il n’a pas d’ambition, c’est juste qu’il ne connaît même pas l’existence même de ce mot!  Il est pompiste et heureux, malgré son 6 piasses de l’heure. Il est la honte de son père et de sa mère. Car môman pense comme pôpa et vice et versa.
Jipi est un pompiste qui ne reste pas en arrière de sa caisse. Il remplit les chars des clients et il vérifie même les huiles avec le sourire.  L’huile à moteur, l’huile à brake, l’anti-freeze, le lave-glace n’ont pas de secrets pour lui. Il lave même les vitres pendant que le char se remplit tout seul, la petite clenche qu’on a fait disparaître par magie avec nos stations d’essence avec service d’ailleurs.
Jipi a comme seul objectif de se rendre au vendredi après-midi.  Il joue au hockey, mais seulement pour le plaisir, car il n’a aucun talent!  Et même s’il en avait eu, il n’aurait jamais rien fait avec. C’est comme ça, un point c’est toute. Il est un paresseux fonctionnel.
P-A
Il est heureux quand il joue au hockey, en tous cas c’est ce que son père répète partout!  Il le répète aux assemblées de Chevaliers de Colomb, à la Chambre de Commerce, au Conseil de ville du bon maire son ami en dessous de la table et il le répète surtout à P-A.
Il mesure 6’3 et pèse 225 lbs. C’est pas un jeune ado, c’est un pur-sang de la race de ceux qui ont assez de talent pour jouer et performer au plus haut niveau de la ligue nationale de hockey!  Il a des mains de soie, des mains tellement habiles qu’il pourrait être la réincarnation de Mozart, et des épaules larges comme la place Ville-Marie!!! Pour son père, ainsi que les amis de son père, les agents de joueurs, c’est du bétail, de la bonne chair à fabriquer des bills du Dominion dans un avenir rapproché.  Autour de l’os, il y a beaucoup de viande.  Il est même comparé à un jeune homme de l’Ontario qui, comme lui, est une future étoile dans le firmament du hockey. Il porte le numéro 88 et on l’appelle « the next  one ». Ils ont tous les deux 14 ans!
Le garage jaune à coté de la petite maison jaune

Il y a la Mustang jaune de son papa chéri.  P-A  roule dans le vide.  Le muffler échappe du gaz à une vitesse vertigineuse, pendant que P-A pleure les dernières larmes qui lui restent dans son maudit corps d’athlète. Et en cette nuit douce d’août 1987, ironiquement une très belle nuit remplie d’un ciel étoilé, s’est envolé dans le firmament de l’infini le fonds de pension de Jean-Marie.


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